Le volley "très technique"?

Si l’on se réfère à une conception élargie et relativement admise de la « technique » vue comme « l’ensemble des procédés que les hommes élaborent, accumulent et transmettent pour réussir dans des tâches concrètes » on peut considérer que tous les sports ont élaboré, accumulé et transmis des techniques. Qu’est-ce qui ferait qu’une technique en volley serait « plus technique » qu’une technique en football, gymnastique ou escalade ? Est-il possible, intéressant, pertinent ... de hiérarchiser des techniques dans ce qu’elles seraient les unes plus « techniques que d’autres » ?
D’où vient cette idée d’une sur-technisation du volley-ball ?
Il y a deux versants à cette question : un versant conceptuel sur la confusion entretenue entre technique et contraintes réglementaires et un versant historique et didactique sur le processus de déconstruction-construction de l’activité des joueurs pour déterminer ce qu’il faut enseigner ou entraîner.

Premièrement, dire d’une activité humaine et, a fortiori sportive, qu’elle « est technique » est un abus de langage. En revanche, on peut, dans le cadre d’une analyse comparative entre les habiletés motrices usuelles d’un être humain et les contraintes du contexte dans lequel le plonge un règlement sportif, émettre l’hypothèse d’un plus ou moins fort déséquilibre de la première par le second (mais aussi et dialectiquement, l’action de l’évolution des techniques (réponses adaptées des humains sur l’évolution du contexte règlementaire)). Les contraintes et ressources réglementaires des pratiques sportives compétitives en sont leur carte d’identité. Elles les caractérisent. Elles sont hiérarchisables. Les analyses en sport collectif sont nombreuses à démontrer les différences de formes et les similitudes de fonds entre les différents sports collectifs (Éloi & Uhlrich, 2001).
Néanmoins, à aucun moment des techniques ne sont hiérarchisables. Les contextes le sont. En ce sens, cet abus de langage évoquant une sur-technisation du volley, reflète plus la différence essentielle entre le volley-ball et les autres sport-collectifs : la frappe de volée.
C’est de cette contrainte réglementaire fondatrice que naissent les problèmes techniques propres et exclusifs au volley-ball. Les modalités de réception-transmission du ballon ne permettent aucun blocage du ballon. Les techniques utilisées sont donc des frappes, plus proches du tennis et du badminton que du handball et, aussi, relativement proches des techniques en football. Cet interdit fondateur du blocage du ballon place donc les techniques du joueur de volley-ball hors du cadre habituel de l’analyse des décisions technico-tactiques des sport-collectifs. Le « recevoir-identifier-choisir-exécuter » dans lequel un processus cognitif logique serait activé est donc, naturellement, questionnable en volley-ball. Il a d’ailleurs été très bien démontré (Roche, 2011) que, même au plus haut niveau avec ceux que l’on a tendance à présenter comme les virtuoses de la vision du jeu (les passeurs), l’activité informationnelle et décisionnelle ne répond pas à ce cadre.
C’est donc bien ici qu’il faut chercher les raisons d’une représentation sur-technicisée du volleyball. La forte pression temporelle, l’immédiateté entre l’entrée en possession du ballon et ce que le joueur doit en faire fait des techniques utilisées une particularité dans les sports collectifs, mais pas une « supériorité ».

Le deuxième versant de cette sur-technicité du volley provient de l’analyse formelle de l’activité et de la didactisation qui en découle. J’y reviendrai plus tard mais en quelques mots, l’analyse formelle donne à voir un ensemble d’événements successifs qu’il faudrait enseigner (service – réception – passe – attaque – contre – défense – passe de transition…). Les publications spécialisées scolaires et fédérales présentent alors l’activité comme une somme de « techniques » à acquérir. La littérature est donc chargée de techniques, décrites, disséquées, analysées… donnant au volley-ball une image sur-technique.
Ce préambule avait pour objectif de « démystifier » l’enseignement du volley-ball.
Non, il n’est pas nécessaire (intéressant ?) de faire jouer les élèves débutants à un jeu de continuité en trois touches qui les place, bien souvent, en échec.
Non, l’apprentissage des techniques n’est pas plus compliqué que dans les autres APSA en général et autres sports collectifs en particulier.
Reste à déterminer ce qui doit / peut raisonnablement et véritablement être appris en volley-ball dans les contraintes habituellement vécues en EPS et club.