La formation du lanceur chez les débutants en volley



Le volley-ball est souvent identifié comme une activité dont les premiers apprentissages sont relativement compliqués. Relativement, car, la réussite dans des apprentissages dépend effectivement d’un ajustement précis entre le niveau des contraintes (du jeu, de l’exercice, de la tâche) et le niveau d’habilités des enfants. On peut aisément comprendre que des attentes inadaptées par rapport aux ressources des enfants entraînent des premiers apprentissages « compliqués ».
Néanmoins, en volley-ball, une donnée incontournable est la complexité que représente, pour un.e débutant.e, l’activité de localisation d’un ballon dans l’espace et l’adaptation de son déplacement à cette trajectoire avec pour fin, la production d’une frappe du ballon de voll(ée)y. La capacité d’entrer en coïncidence avec le ballon après un déplacement est l’apprentissage fondamental pour le.la débutant.e. L’avancée dans ce long chemin est purement expérientielle. C’est par tâtonnement, par répétitions, par régulation dans les conditions variées, par la confrontation à des distances, des temps, des types de trajectoires multiples… que le.la débutant.e découvre, intègre, consolide, construit un ensemble de répertoires de trajectoires. Cette quête nécessite un nombre d’actions très important.
C’est de ce besoin volumineux d’actions dont nous allons traiter ici. Comment, en formant le lanceur de ballon l’intervenant (EPS et/ou Clubs) peut considérablement augmenter le nombre d’actions des débutant.es (et donc les progrès potentiels). Mais pas que… quantitativement. Nous aborderons aussi l’aspect qualitatif. Qu’est-ce qu’une trajectoire adaptée et intéressante pour un.e débutant.e ?


1. Traditionnellement une tâche dévolue à l’entraîneur.


Le rôle d’un intervenant étant d’intervenir, on voit majoritairement des entraîneurs dans le rôle du lanceur. Que ce soit sur les schémas dans la littérature techniques (à côté du caddie) ou bien dans les exigences mêmes des diplômes fédéraux et d’Etat (l’épreuve des « techniques d’entraîneur »), la maîtrise des lancers (avec tout ce que cela implique d’intérêt pour la précision et le rythme de l’exercice) revient à l’entraîneur. La limite que l’on a pu percevoir à ce modèle étant la file indienne des joueurs-euses en attente du lancer professionnel, et donc, du manque de volume. Ce modèle a néanmoins, majoritairement, cédé sa place à l’organisation de circuits ou l’enfant évolue d’atelier en atelier, passant, toutefois, sur l’atelier tenu par l’entraîneur pour avoir un « bon ballon » à réceptionner ou un « bon ballon » pour faire une passe ou, encore, un « bon ballon » pour attaquer au filet… En EPS, au regard de l’indispensable nécessité d’optimiser les temps d’apprentissage d’un cycle de 10 séances d’une heure dix minutes effective, les profs d’EPS ont, sans doute, utilisé depuis plus longtemps l’élève-lanceur. Cette utilisation devient même une « compétence sociale » dans les programmes, voire même, une acquisition du socle commun…


2. Former les lanceurs.euses quels enjeux ?

  • Enjeux pour le.la débutant.e : En décuplant le nombre de coachs potentiels, chaque débutant.e est soumis à un nombre important d’occasions de toucher des ballons. L’alternance des rôles est rapide. Les temps d’actions se combinent avec les temps de repos en tant que lanceur.euse. Le débutant.e est très sollicité. Il.elle multiplie les expériences de trajectoires variées.
  • Enjeux pour l’intervenant.e : Les activités déployées par un intervenant sont multiples, plus ou moins planifiées, des fois contraintes, accélérées… un ensemble de modifications (rendre plus facile…) qui définissent un intervenant comme un planificateur-régulateur du temps, des espaces, du groupe. Bref, une tâche complexe qui implique une vision de l’ensemble de la séance et des productions des débutant.e. On pense alors à la distance physique et attentionnelle qu’il faut pour tenter de réguler au mieux la séance. La délégation du rôle de lanceur.euse aux enfants, eux-mêmes est donc un enjeu fort pour permettre à l’intervenant.e de prendre du recul et d’intervenir plus ou moins collectivement sur le déroulé des apprentissages. Déléguer les lancers aux enfants c’est s’offrir la possibilité de s’extraire de la situation pour mieux y intervenir.
  • Enjeux pour les lanceurs.euses : La production de trajectoires pour un.e joueur.euse détient un double intérêt : Un intérêt motivationnel dans la mesure où l’intervenant responsabilise le.la lanceur.euse (donc accorde une confiance). Il.Elle est responsable du bon fonctionnement et de la qualité du travail du ou des joueurs.euses avec qui il est durant l’exercice. Le second intérêt est d’ordre informationnel. Apprendre à produire une trajectoire semble être un élément supplémentaire pour apprendre à en intégrer les caractéristiques. La portée qui détermine la distance du lancer, la flèche qui en détermine la hauteur maximale sont des caractéristiques qui vont doublement s’ancrer dans le système perceptif des enfants. Les lanceurs.euses, au même titre que le joueur doivent croiser deux données : le trajet du joueur.euse et la trajectoire du ballon. De quelle trajectoire a besoin un.e joueur.euse pour entrer en coïncidence dans l’espace cible ? C’est bien du couplage temps trajet/trajectoire qui est en jeu dans le binôme. Il y a donc un double apprentissage actif des caractéristiques balistiques. Cet apprentissage se guide en proposant aux enfants un code commun de difficultés. On pourra valider trois types de difficultés pour le.la joueur.euse : « facile », « moyenne », « difficile ». Les trajectoires de faciles à difficiles signifient que le.la joueur.euse est de plus en plus en crise temporelle pour organiser sa réponse technique. Néanmoins, une « trajectoire difficile » ne va pas nécessairement vite, de même, une « trajectoire facile » n’est pas obligatoirement à proximité du joueur.euse. Cette catégorisation des trajectoires aident les lanceurs.euses et les joueurs.euses à enrichir et clarifier leur répertoire de trajectoires. L’enjeu global : des trajectoires qui poussent à apprendre. Je notais en introduction des stratégies de lancers qui sont, en fait, un travail de fléchette pour le lanceur1 (viser les bras d’un.e enfant, mains assemblées, qui doit réaliser une « manchette »).

Si ce petit texte doit avoir une répercussion ça serait l’abandon des lancers sur les joueurs.euses. Si l’on souhaite développer un.e joueur.euse anticipateur.trice et lecteur.trice du jeu, une réalisation technique, ne peut s’envisager sans une mise en tension et un déplacement. C’est ici l’aspect qualitatif des lancers. La trajectoire ne doit jamais aller en direction du joueur.euse. L’enjeu fondamental du volley est de faire coïncider un déplacement/placement (trajet) avec une trajectoire de ballon. Jouer sans ballon (trajectoire) et/ou sans déplacement (trajet) est sans doute un élément ralentissant les apprentissages nécessaires pour affronter les problèmes réels d’une opposition entre protagonistes. Dans le protocole des lanceurs.euses/joueurs.euses se jouent aussi les idées de préparation, attention, mise en tension, état de vigilance, anticipation… Le binôme est tenu par ce challenge de faire monter en chacun l’état de vigilance indispensable à toutes actions en volley.


3. Quelques exemples d’exercices :


1 lanceur / 1 joueur : Le « tour de France » (8 à 10 ans)

Terrain 3x3m, Filet 2,20m

  • Le lanceur :

o Lance à deux mains par en-dessous.
o Vise toujours le centre du terrain adverse (Ballon « facile »)
o Bloque les ballons renvoyés par le joueur par-dessus le filet.
o Lance quand le joueur est à son plot et le regarde.

  • Le joueur :

o Renvoie en passe à 10 doigts (ou contrôle, ou en manchette, ou en smashant…)
o Sort de son terrain, vers un plot, après chaque frappe et attend (debout, de dos,
allongé…)
o Se met en action au début de l’élévation des bras du lanceur (ou signal sonore).

 


2 lanceurs / 1 joueur : vigilant.e pour garder son territoire (10 à 13 ans)
Terrain 6x5,5m ; 2 lanceurs avec un ballon chacun.

  • Les lanceurs :

o Lancent à deux mains par en-dessous.
o Vise partout mais toujours ou le joueur n’est pas (Ballon « facile »)
o Bloque les ballons renvoyés par le joueur.
o Lance quand le joueur a touché le ballon de l’autre lanceur.

  • Le joueur :

o Renvoie en passe à 10 doigts (ou contrôle, ou en manchette, ou libre…)
o enchaîne chaque frappe en anticipant visuellement le lancer suivant.


3 lanceurs/ 2 joueurs : s’alléger et s’orienter. (12 à 14 ans)
Terrain 7,5x7,5m ; 3 lanceurs avec un ballon chacun.

  • Les lanceurs :

o Lancent à deux mains par au-dessus (ou self passe).
o Vise aléatoirement vers Z1 ou Z2 (Ballon « moyen »)
o Passe sous le filet pour bloquer le ballon en C1 ou C2.
o Lance quand l’autre lanceur a bloqué le ballon et que l’autre joueur le regarde.

  • Les joueurs :

o Franchissent avec un petit saut la barre au moment du début du lancer.
o Renvoient en passe à 10 doigts (ou contrôle, ou en manchette, ou libre…) vers C1 ou
C2 en fonction de la consigne.
o Se replacent derrière la barre, attend en guidant le choix des ballons out ou in pour
l’autre joueur.

 

 


En guise de conclusion
L’inventivité des intervenants (EPS ou club) laisse entrevoir la multiplication de ces petits exercices. La ligne directrice étant de différencier les difficultés des lancers, de varier les points de départ (et les Z1 Z2 C1 C2 postures) des joueurs, de varier les cibles à atteindre et SURTOUT de ne jamais lancer dans une zone déjà occupée par le joueur.